Fidèles à l’idéologie libérale qui fonde leur discipline, mes collègues nous conseillent plutôt de « laisser faire » les « entrepreneurs » pour trouver les solutions adéquates, de nous fier à la « main invisible du marché » pour orienter la recherche de ces solutions et de ne surtout pas remettre en question la course à la croissance économique.
Pourtant, c’est bien cette croissance phénoménale de la quantité de marchandises produites depuis 200 ans qui est en cause dans la catastrophe écologique actuelle. On ne peut produire en effet toujours plus de biens et de services sans utiliser au bout du compte toujours plus d’énergi
e et de matière (vivante ou inerte) et sans générer toujours plus de déchets. Certes, il est possible de réduire jusqu’à un certain point, pour chaque marchandise produite, la quantité de « ressources naturelles » mobilisées. Mais l’augmentation du nombre total de marchandises offertes à la vente tend à annuler les économies ainsi réalisées, et donc à aggraver la situation sur le plan écologique.Par ailleurs, il est fallacieux d’affirmer que c’est « dans les pays les plus développés et les plus libéraux sur le plan économique que les performances environnementales sont les meilleures ».
Si l’air que nous respirons dans les grandes métropoles occidentales est un peu moins vicié que dans les villes d’Asie du Sud-Est ou d’autres « pays émergents », c’est tout simplement parce qu’une grande partie des marchandises que consomment aujourd’hui les entreprises et les ménages occidentaux sont produites en dehors du « premier monde ». Lorsque l’on en tient compte, ce qui est la moindre des cohérences, les « pays les plus développés et les plus libéraux » présentent les pires performances environnementales (par habitant) à l’échelle mondiale.
Enfin, l’argument selon lequel cette fameuse croissance aurait au moins permis en deux siècles de réduire de 80 % à 10 % la proportion d’êtres humains vivant dans « l’extrême pauvreté » masque certaines réalités qu’il convient de souligner. Ces chiffres nous indiquent qu’il y a tout de même près de 800 millions de personnes dans le monde qui vivent encore avec moins de 1,90 $US par jour¨...
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