CHRONIQUE : Adhérer au monde ! ( 2de2 )

Salut à tous,

Du site Le Quotidien : L’auteur de cette chronique, Frédérick Lavoie, est journaliste international indépendant et écrivain.   

   ¨Je me souviens d’une fête arrosée à Téhéran où les Iraniennes dansaient sans voile et en décolleté. Un autre jour dans cette même ville, j’étais dans un parc avec une jeune fille pieuse pour qui la décision de me serrer la main avait représenté une transgression majeure de ses interdits. À chacun et chacune sa façon de marcher droit.

   Je me souviens d’une famille accueillante au Turkménistan, de réfugiés traumatisés au Bangladesh, de manifestantes courageuses en Biélorussie, de bénévoles dévouées à Desbiens. Quand je pense au monde dans lequel j’habite, je pense à tous ces gens que j’ai rencontrés, mais aussi à tous ceux dont j’ignore l’existence et les conditions d’existence. Je pense à leurs cœurs qui battent, indépendamment du mien, chacun à leur rythme, pour faire le bien, le mal ou plus probablement les deux. Je pense à ce qui nous unit, à ce qui pourrait nous unir et à tout ce qui nous séparera à jamais, même avec la meilleure des volontés.

   D’aussi loin que je me rappelle, je n’ai jamais eu de grandes attentes à l’égard du monde et des gens qui le composent. Cette prudence m’a empêché à l’occasion de me laisser porter par l’extase, mais elle m’a aussi prémuni contre la désillusion.

   Je suis rarement déçu par la méchanceté, la cruauté et la petitesse dont peuvent faire preuve les gens. Lorsqu’ils et elles se montrent sous leur meilleur jour, il ne me reste ainsi plus qu’à m’en réjouir.

   Peut-être cette condition mentale facilite-t-elle mon adhésion au monde, tout comme le font les différents avantages socioéconomiques dont j’ai hérité en naissant là où je suis né.

   Je ne peux juger des raisons qui en poussent d’autres à refuser le monde et à chercher à s’en décoller. Mes efforts pour comprendre leur douleur, leur colère et leur indignation me permettront au mieux de les expliquer, mais ces sentiments leur appartiendront toujours à eux seuls.

   Mon adhésion au monde n’est en aucun cas une caution de l’état actuel des choses. Si je m’y colle, c’est pour mieux saisir ses mouvements, mieux le comprendre et, ultimement, mieux contribuer à démanteler ses aberrations et ses injustices.

   Adhérer au monde, pour moi, c’est aussi chercher à conjuguer ses aspirations et ses désirs intimes à ceux d’un ensemble plus grand que soi ; c’est faire acte d’humilité en acceptant que ce monde ne sera jamais entièrement à notre image, car nous avons à le partager avec d’autres dont les besoins sont tout aussi légitimes que les nôtres ; c’est reconnaître ces contradictions personnelles et collectives qui font de nous à la fois un problème et une solution, et travailler à les dénouer plutôt qu’à les faire disparaître sous le tapis.

   Adhérer au monde, en somme, c’est embrasser sa responsabilité face à une époque dont nous ne sommes pas seulement un produit innocent, mais aussi un producteur.

   Les voyages, la vie à l’étranger et les livres m’ont permis d’accumuler les points de vue d’autres humains sur le monde et d’élargir mon regard sur celui-ci. Et plus cette vision s’est élargie, plus ma place dans l’univers m’est apparue pour ce qu’elle est réellement. Petite et insignifiante.

   C’est peut-être pour cela que je choisis jour après jour d’adhérer au monde : pour me sentir un peu moins seul et un peu plus solidaire des sept milliards sept cents millions d’autres grains de poussière qui, comme moi, cherchent à donner un sens à une existence qui n’en a guère d’autre que celui qu’on veut bien s’amuser à lui donner¨.

Pégé 

Windows 7 / Windows XP Pro / Windows 10 / Ubuntu 18.04 LTS / Linux Mint 19, MacOS X iBook, version 10.4.11 ¨Tiger¨.


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